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Quand « Libération » compare Merah à un volontaire de 14-18…


Dans un article publié le 4 octobre, le quotidien Libération compare Mohamed Merah à….Robert Walter Hertz, engagé volontaire en 14-18, tué à l’ennemi à Marchéville-en Woëvre (Meuse) le 13 octobre 1915.

Merah, jeune ultra radicalisé planifia longuement ses tueries et assassina froidement trois militaires – Imad Ibn Ziaten du 1er RTP (le 11 mars 2012, à Toulouse), Mohamed Farah Chamse-Dine Legouad et Abel Chennouf du 17ème RGP (le 15 mars 2012, à Montauban) – puis, le 19 mars 2012, à Toulouse à nouveau, l’enseignant juif Jonathan Sandler, ses enfants Gabriel (3 ans) et Aryeh (6ans) et la petite Myriam Monsonégo (8 ans) qu’il poursuivit jusque dans la cour de l’école Ozar Hatorah : les caméras de vidéosurveillance le montrent attrapant l’enfant par les cheveux, son arme s’enraye, il en change et il la tue. C’était la première fois, depuis la seconde guerre mondiale que l’on assassinait, en France, des enfants juifs parce qu’ils étaient juifs. Grièvement blessé, à Toulouse le 15 mars, le soldat Loïc Liber est aujourd’hui handicapé.

Arrêtons-nous un moment, sur la personnalité de Robert Hertz, mort pour la France à 34 ans. Hertz, agrégé de philosophie, était juif, socialiste et brillant universitaire, élève de Marcel Mauss et Emile Durkeim. On le considérait comme l’un des sociologue – la sociologie était alors une discipline naissante - les plus brillants et les plus prometteurs de sa génération. Engagé en 1914, il se porta volontaire pour servir en première ligne. Il le paya de sa vie.

Donc, Nicolas Mariot, historien et directeur de recherches au CNRS, met en résonance la radicalisation de Merah et celle (?) de Robert Hertz. Je cite : « Une jeune femme, Alice Hertz, demande au journal d’annoncer « aux camarades » que son mari est « mort, heureux de donner sa vie pour la France ». Mi-octobre, elle écrivait à son mari, Robert, qu’il fallait qu’ils soient « heureux d’être séparés, heureux de ce sacrifice ». Débutait alors un long tourbillon de surenchère où chaque lettre était l’occasion d’une prise d’appui pour aller plus loin dans l’exaltation. Quelques semaines encore, et c’est son beau-frère qui se disait lui aussi « heureux » de cette guerre : « Il faut en ce moment mourir pour vivre. » « Et c’est vrai », ajoutait Alice à destination de son soldat d’époux. A dire vrai, c’est la famille presque entière, mère, sœurs et beaux-frères, qui motivait son héros, tous derrière et lui devant. »

Certes M. Mariot, dans ce qui semble être un accès de lucidité souligne « On pensera qu’il y a bien de l’exagération à prétendre adosser ainsi, sous la bannière de la radicalisation, patriotique chez l’un, islamiste chez l’autre, les cas Merah et Hertz. Un peu d’indécence même, car qu’y a-t-il de commun entre l’enfant des banlieues françaises et le sous-officier normalien élève de Durkheim qui écrivait, pour justifier de se porter volontaire pour les premières lignes : « Comme Juif, comme socialiste, comme sociologue, je devais faire plus » ? Entre l’assassin antisémite des enfants d’Ozar Hatorah et le sergent abattu par les mitrailleuses en conduisant ses hommes dans un de ses assauts perdus d’avance, si typiques de la Grande Guerre ? A coup sûr, pas grand-chose, sinon l’insidieuse petite musique d’un sacrifice porté en famille. »

Je passerai sur l’évocation de cet « enfant des banlieues françaises » qu’a été Merah : elle me rappelle, mais j’ai certainement tort, le discours de ceux qui tentent d’expliquer (d’excuser ?) le parcours de certains tueurs par une sorte de « déterminisme social » qui n’existe que dans leur cerveau tourmenté.

Je ne suis pas universitaire, contrairement à Monsieur Mariot. Je ne suis pas non plus, de ce fait, « directeur de recherche au CNRS ». Je suis certainement beaucoup moins intelligent et subtil que M. Mariot. Je ne suis pas non plus de gauche, comme la rédaction de Libération – comme le dit ce vieux réactionnaire de Fabrice Luchini « j’aimerais être de gauche, mais ça demande tellement de qualités humaines et tellement d’abnégation » Je ne suis qu’un garçon simple qui, en différentes circonstances et dans différents rôles a fait ce qu’il croyait juste et nécessaire. C’est sans doute ce qui m’empêche de m’élever au niveau de réflexion, de compréhension des choses et de leur complexité et de lucidité de M. Mariot et de Libération.

Oui, je sais que la guerre de 14-18, tombeau de l’Europe a été une boucherie sans nom dans laquelle une génération entière, en France comme en Allemagne (et dans quelques autres pays) a été sacrifiée, parfois (mais pas toujours) dans des offensives sans justification et par des généraux stupides. Oui, je sais que cet immense massacre a engendré deux des grands maux du XXème siècle : le fascisme et le communisme.

Mais je pense que comparer la radicalisation familiale d’un tueur d’enfants islamiste et celle (supposée) d’un homme qui s’est porté volontaire pour servir son pays en première ligne et y a donné sa vie est indigne.

Je crois que comparer une famille dysfonctionnelle et extrémiste qui a porté, entouré (encouragé?) le projet meurtrier d'un terrorisme et une autre qui tente de se rassurer en trouvant de la grandeur (par ailleurs réelle, j'ai la faiblesse de le croire) au sacrifice ultime d'un mari, d'un frère ou d'un fils pour sa patrie et une cause juste, celle de la liberté est blessant pour les millions de personnes qui ont vécu cette douleur.

Il fallait oser cette « mise en résonance ». Libération et M. Mariot l’ont fait.

J’imagine sans peine que certains des lecteurs de Libération (de moins en moins nombreux, disent les mauvaises langues…) ont dû se repaître de cet article relativiste et agréablement provocateur dont on achève la lecture, en buvant un café crème à une terrasse de bistrot du 6ème arrondissement, en pensant que, décidément, tout se vaut.

Moi, après l’avoir lu, j’ai eu, je l’avoue, la nausée. Réaction sans doute d’un esprit médiocre, peu ouvert aux subtilités des choses, bêtement patriote et incapable de s’élever vers la pure abstraction.

Mais je ne m’en excuserai pas.

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Note: le 7 octobre 2017, M. Mariot, devant l'avalanche de protestations (et, malheureusement, aussi d'insultes) provoquée par son papier présentait mise au point et excuses dans Libération. Dont acte.

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