Qu’importent les chiffres. Tout observateur avisé qui fait l’effort de regarder de près les différentes photos de la manifestation de la France Insoumise d’hier se fera son idée, mais il semble clair que l’on est loin des 150 000 personnes revendiquées par Jean-Luc Mélenchon. N’étaient-ils que 30 000, comme le dit Préfecture ? Une cinquantaine de milliers comme l’estiment d’autres (dont moi) ? Quoi qu’il en soit on est loin de la « déferlante promise par JLM.
Mais une fois encore qu’importe ! Si je m’arrête à ce comptage c’est qu’il me semble illustrer ce que je reproche ici à Monsieur Mélenchon : un léger problème avec la vérité, une fâcherie récurrente avec les faits, un flou artistique persistant dès qu’il aborde l’Histoire. Normal, il ne la voit qu’à travers son prisme archéo-gauchiste et ne l’utilise que pour démontrer cet inexorable sens de l’histoire cher aux marxistes : le Peuple, en marche contre la Bourgeoisie et ses ersatz ne peut se tromper, il va toujours dans la bonne direction et finit immanquablement par gagner.
Hier après-midi, le Guevara de la Business Class s’est encore fait remarquer par les formules à l’emporte-pièce qui font tout le sel de ses discours. On connaissait déjà le coup d’Etat social que représente à ses yeux la réforme du Code du travail. Qu’importe que le Président ait annoncé urbi et orbi durant sa campagne que cette réforme serait l’une de ses priorités et qu’il légiférerait par ordonnances – on peut donc difficilement l’accuser d’avoir trompé le peuple : c’est un coup d’Etat vous dit-on !
Non, ce qui a retenu mon attention, hier, c’est cette phrase sublime : « c'est la rue qui a abattu les rois, les nazis, le plan Juppé et le CPE... ». En seize mots, JLM réussit à être tout à la fois indigne, ridicule et révisionniste.
D’abord, bien entendu, mettre sur le même pied « les nazis » et le plan Jupé est une honte pour un élu de la république. Ensuite, mélanger révolution française, lutte contre le fascisme et contestation sociale est stupide. Enfin et surtout, cette lecture de l’histoire est scandaleusement révisionniste. Ce n’est pas « la rue » qui a « abattu » le nazisme : ce sont cinq années de guerre menées d’abord par la Grande-Bretagne seule et ensuite par la même Grande-Bretagne, l’URSS et les Etats-Unis (et, bien entendu, mais dans une bien moindre mesure, par leurs alliés et par la Résistance dans les pays occupés…). Ce ne sont pas des manifestants qui ont eu raison d’Hitler, de Mussolini, de l’impérialisme japonais et de leurs séides mais les armées alliées et leurs millions de morts.
On pourrait même totalement inverser le « raisonnement » de JLM : c’est « la rue » qui a porté Mussolini au pouvoir lors de la « Marche sur Rome » et qui sacré Hitler en faisant régner la terreur brune contre ses opposants.
Nier ces réalités, comme l’a fait hier Jean-Luc Mélenchon, n’est pas seulement grotesque. C’est cracher sur les tombes de ceux qui ont donné leurs vies, de la banlieue de Moscou au centre de Berlin, en passant par les déserts de Libye, les plages du débarquement, les neiges des Ardennes et tant d’autres champs de batailles connus ou oubliés pour que nous soyons libres.