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DSK et "l'horrible" système judiciaire américain : une fable moderne


A lire ou écouter certains médias, on se demande si de nombreux journalistes et commentateurs sont vraiment ignares (et jamais sortis du VIème arrondissement) où s’ils font exprès de passer pour tels afin de mieux surfer sur la vague nauséabonde du beaufisme franchouillard et du populisme. La nouveauté en date c’est de dénoncer l’infâme système judiciaire américain qui est « accusatoire » et dans lequel la victime doit prouver son innocence. Voilà en effet qui est très différent du système français (et, par extension du système belge) qui, eux, sont absolument parfaits et exempts de tout vice. Allons les enfants, renseignez-vous un peu avant de parler. Il est vrai que le système américain a fait un choix : l’Etat représente et défend la victime et l’accusé est défendu, lui, par un avocat qui peut, par ailleurs (et dans le cas de DSK qui n’est pas un SDF, cela se fera) faire diligenter des enquêtes privées pour faire valoir sa vérité au cas où la police ne le ferait pas. Chez nous, bien entendu, on nous rabat les oreilles en nous disant que l’instruction faite par un sacro-saint « juge indépendant » se fait « à charge et à décharge ». La bonne blague. En trente ans de vie professionnelle, comme journaliste d’abord, dans les « services » ensuite(pendant vingt ans…) et, depuis une dizaine d’années, dans le renseignement privé, je me suis intéressé à plus de deux ou trois cents procédures judiciaires dans plusieurs pays. J’affirme que je n’ai quasiment jamais vu une instruction se faire réellement « à charge et à décharge ». Affirmer le contraire relève du mythe, du mensonge ou de l’ignorance. Les juges d’instruction, le plus souvent, « chargent la barque », aidés par des policiers obsédés par l’idée de « faire du casque » (c’est à dire, en argot policier, « d’aligner les succès »). Selon qu’il sera bien ou mal défendu, le prévenu s’en sortira ou non. Il y a, bien entendu, des exceptions. En trente ans, je n’en ai pas rencontré beaucoup. Plus respectueuse des droits individuels et de la présomption d’innocence, notre justice qui use et abuse de la détention préventive comme d’une nouvelle « question » destinée à faire « craquer » le suspect ? Vraiment? Egalitaire notre théâtre judiciaire dans lequel le procureur et les juges, vêtus à peu près de la même manière siégent au même niveau alors que le prévenu, lui, est dans son box, face à eux (et, matériellement, dominé par eux qui le regardent de haut)? La proximité entre l’accusation et les juges n’est d’ailleurs pas que « topographique » : elle est souvent professionnelle. Indépendants nos juges ? J’ai vu trop de procédures « délicates » être classées, se terminer par une prescription souhaitée ou trébucher sur un quelconque vice de procédure annoncé pour y croire encore. Plus humain, notre système pénitentiaire régulièrement condamné par toutes les instances internationales et dans lequel les taux de suicide sont effrayants ? Ah, j’oubliais, il y a encore ces images de DSK menotté qui choquent tant. Parce que le fait, en France, de comparaître détenu et menotté jusqu’à l’entrée dans le box (et sous l’oeil des caméras et des photographes), cela c’est digne et «respectueux de la prévention d’innocence»? Ben voyons ! La réalité est que notre système n’est pas meilleur et que le système américain n'est pas pire. Simplement, nous nous satisfaisons de leurs errements respectifs parce que nous savons, ou espérons, que l’erreur judiciaire est rare et que le condamné, à l’issue du processus, aura eu ce qu’il mérite. Triomphe sans gloire… Je crains, à la vérité, qu’il y ait, dans ce déferlement de critiques infondées, outre une ignorance crasse un détestable esprit de caste. Comment ose-t-on traiter de la sorte un puissant de ce monde? Eh oui il faut s’y faire, les Etats-Unis sont une République, une vraie, et non une monarchie déguisée comme la France, dans laquelle nous rampons devant des dirigeants fonctionnaires qui continuent trop souvent à considérer leur charge comme étant de droit divin et nous comme des sujets taillables et corvéables à merci. Alors que nous sommes le peuple dont, en théorie, émanent tous les pouvoirs. Les Américains, eux, ne l’oublient pas. Dès lors, s'il trébuche, le puissant sera traité comme un chacun... Et il est vrai qu’au Etats-Unis, une bonne moitié de nos élus seraient en prison et beaucoup d’autres auraient eu, depuis longtemps, leur carrière brisée par le mensonge qui leur est une seconde nature. La réalité est la justice, partout, est aussi, parfois, une machine à broyer. Cet "envers de la médaille" est dans sa nature.

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